Exonération des étudiants : un cadeau pour les parents à condition qu'ils soient riches !

Publié le par LP

Nicolas Sarkozy a promis durant sa campagne que, s'il était élu, l'étudiant qui travaille ne paierait plus d'impôt.

Si la gauche avait fait son travail durant la campagne présidentielle, elle aurait sans doute mis en lumière que cette mesure favorise non pas le pauvre étudiant qui trime pour financer ces études mais plutôt les parents aisés d'un petit gosse de riche qui gagne quatre sous pendant l'été pour son argent de poche.

Ce que je viens dire mérite sans doute une explication.

Prenons d'abord le cas du pauvre étudiant qui trime à temps partiel pour financer ces études. Le plus problable est qu'il ne paiera pas d'impôt (voir le barème de l'impôt sur le revenu 2006 au bas de cet article).

 

Il lui faut en effet percevoir 5.615 euros de revenus imposables pour entrer dans le barème. Or, compte tenu de la déduction forfaitaire de 10 %, il faut qu'il gagne environ 6.300 euros, c'est à dire qu'un mi-temps au SMIC n'y suffirait pas.

Mais, me direz-vous, il est possible que l'étudiant travaille à plein temps et soit payé plus que le SMIC.

Je doute que dans ce cas il s'agisse encore d'un étudiant. Mais admettons le un instant. C'est là qu'il faut entrer dans la technique fiscale pour comprendre qu'en réalité, il ne paiera pas d'impôt.

 En effet, compte tenu du mécanisme de la décote (sorte de réduction d'impôt pour les bas revenus dont le calcul est assez complexe) et du seuil de recouvrement qui se situe à 61 euros, un célibataire doit gagner 12.600 euros avant d'être imposable (faites le calcul sur le site des impôts si vous ne me croyez pas).

Pour toute personne qui connaît la réalité du marché de l'emploi, il est évident qu'un étudiant ne peut pas gagner autant en une année tout en faisant des études (à moins qu'il travaille à plein temps pour une rémunération supérieure au SMIC - et même si c'était le cas il relèverait de la prime pour l'emploi et ne serait donc pas imposable).

Faut-il en conclure que Nicolas Sarkozy a promis la suppression d'un impôt qui n'existe pas ?

Non. Vous allez comprendre l'habilité de Nicolas Sarkozy.

Il faut savoir en effet que les parents qui paient peu ou pas d'impôt, n'ont pas intérêt à rattacher leur enfant à leur foyer fiscal (mieux vaut dans leur cas déduire une pension alimentaire, ils feront une meilleure économie). C'est pour cette raison, que l'enfant étudiant ne paiera pas d'impôt car il déclarera séparément ses revenus.

En revanche, les couples aisés qui ont des enfants majeurs ont plutôt intérêt à les rattacher à leur foyer fiscal (ce dont ils ont le droit à condition que l'enfant ait moins de 25 ans et soit étudiant). 

Dans leur cas en effet, l'économie d'impôt procurée par une part ou une demi-part supplémentaire est supérieure à l'économie que procurerait la déduction d'une pension alimentaire.

Quand un couple aisé bien conseillé fiscalement rattache un enfant à son foyer fiscal, les revenus de cet enfant sont ajoutés aux leurs. Dès lors, lorsque l'enfant travaille pour se faire de l'argent de poche à dépenser en boite ce sont les parents qui paient les impôts à sa place.

Si les parents gagnent bien voire très bien leur vie, ils seront imposés à la tranche de 30 % voire celle de 40 % (voir le barème ci-dessous). Autrement dit, tout ce que va gagner le fiston va être imposé à ce taux ce qui est, avouons le, relativement confiscatoire et décourageant surout s'il s'agit d'un simple job d'été.

Naturellement, les parents ne réclament pas à leur fils ou à leur fille le montant de ce surplus d'impôt. Ce sont donc eux qui l'assument.

Prenons des exemples pour mieux comprendre.

Imaginons un couple qui gagne 200.000 euros par an avec un enfant majeur étudiant rattaché à leur foyer fiscal. Si l'enfant gagne 3.000 euros imposables, les parents devaient payer sur ce salaire 1.200 euros d'impôt.

Grâce à l'exonération du travail des étudiants, le couple pourra cumuler deux avantages : le rattachement de l'enfant majeur à son foyer et une réduction d'impôt supplémentaire de 1.200 euros.

Pour un couple qui ne gagnerait "que" 100.000 euros par an, l'économie d'impôt résultant de l'exonération du travail de leur enfant serait de 900 euros.

Ainsi, en exonérant l'étudiant qui travaille, Nicolas Sarkozy fait un beau cadeau à ses parents à condition qu'ils aient des revenus confortables.

On est forcé d'être admiratif devant l'habilité de Nicolas Sarkozy, un pro de la politique qui a l'art de faire croire qu'il défend le pauvre travailleur alors qu'il veut avant tout réduire l'impôt des plus riches.

 Naturellement, c'est son droit de vouloir mener une telle politique mais ce serait mieux pour la démocratie qu'il l'assume.

 

 Barème de l'IR 2006 :

   

Jusqu'à

5 614 €

0

 5 615 à

11 198 €

5,5 %

 11 199 à

24 872 €

14 %

 24 873 à

66 679 €

30 %

 Plus de

66 679 €

40 %
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