L'impossible exonération des heures supplémentaires

Publié le par LP

Nicolas Sarkozy tient beaucoup à ce que l’exonération des heures supplémentaires soit votée dès cet été dans le cadre du fameux paquet (cadeau) fiscal tant attendu.

 

Le président tiendrait ainsi l’une des promesses les plus répétées durant la campagne électorale et l’une des plus emblématiques car elle illustre à merveille le slogan « travailler plus pour gagner plus ».

 

Il s’agirait d’une exonération d’impôt sur le revenu et de charges sociales. En clair, elle bénéficierait tout autant au salarié qu’à l’employeur.

 

Le premier (le salarié) verrait son pouvoir d’achat s’accroître : la rémunération des heures supplémentaires serait toujours majorée mais n’intégrerait plus le revenu imposable. Il obtiendrait ainsi une augmentation de salaire sans augmentation des impôts.

 

Le second (l’employeur) pourrait obtenir d’avantage de travail de la part de ses salariés en place sans le surcoût en charges sociales des heures supplémentaires et sans prendre le risque d’effectuer de nouvelles embauches. La gestion du travail du personnel par les entreprises serait ainsi plus souple et moins onéreuse.

 

La gauche a reproché à cette proposition de constituer un frein à l’embauche car le patronat aurait plus intérêt à faire faire des heures supplémentaires à ses employés qu’à en recruter de nouveaux. Elle y a vu également une remise en cause des 35 heures.

 

Mais la droite pense que « le travail crée le travail » et que les entreprises ont besoin de plus de souplesse pour se développer. Elle y voit également une récompense juste de l’effort.

 

Le débat sur cette promesse de campagne illustre donc parfaitement le clivage droite-gauche sur la question du chômage.

 

Aux yeux des observateurs et de Nicolas Sarkozy, ne pas tenir cette promesse paraît donc impossible.

 

Mais pour l’heure, ce qui me paraît impossible, c’est justement de tenir cette promesse.

 

Trois raisons me font douter de l’avenir de cette promesse : le difficile encadrement des fraudes qu’elle pourrait engendrer, le risque d’aggravation des comptes sociaux, et surtout un risque indéniable d’inconstitutionnalité.

 

En premier lieu, les fraudes risqueraient de se développer de manière fort rapide et fort simple. 

Prenons l’exemple d’un salarié rémunéré 2.000 euros par mois. Ce dernier pourrait se mettre d’accord avec son employeur pour que sa rémunération principale soit baissée à 1.700 euros et que les heures supplémentaires représentent 300 euros. Ainsi, il parviendrait à « sortir » de son revenu imposable 3.600 euros par an, ce qui lui procurerait un substantiel gain d’impôt, tout en faisant un joli cadeau à son employeur en termes de charges sociales.

 

Autre fraude possible : l’employeur qui souhaite augmenter ses salariés peut préférer leur rémunérer des heures supplémentaires fictives.

 

Pour empêcher toutes ces fraudes, il faudrait que le texte de loi prévoyant l’exonération contienne de nombreux gardes fous ce qui risquerait alors de nuire à la lisibilité et l’efficacité de la mesure.

 

En deuxième lieu, il ne faut pas oublier que l’exonération de charges sociales signifie une perte de recettes sèche pour la sécurité sociale. Une compensation de l’Etat est certes possible mais il faudra que la majorité décide d’augmenter un impôt existant. Or, ceci n’est pas à l’ordre du jour.

 

On sait pourtant que la France ne peut plus se permettre le luxe de voter des textes sans prévoir le financement subséquent. De plus, on sait que Nicolas Sarkozy sera aussi jugé dans sa capacité à rééquilibrer les comptes sociaux.

 

C’est sans doute la raison pour laquelle, un reliquat de charges sociales subsistera sur les heures supplémentaires si l'on en croit François Chérèque. 

Si ce pronostic du leader de la CFDT se vérifiait, Nicolas Sarkozy ne tiendrait pas à la lettre sa promesse.

 

En troisième lieu, il est également concevable qu’il ne puisse pas la tenir du tout. Le conseil constitutionnel pourrait y mettre un veto ferme.

Le texte de loi pourrait être censuré juste après avoir été adopté par les parlementaires. Jean-louis Debré serait ainsi la cause du premier échec de Nicolas Sarkozy en tant que président.

 

Comment et pourquoi ? 

Réponse demain.

 

Promis.

 

 

PS : je tiendrai cette promesse...

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