Menace sur la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile

Publié le par LP

Nicolas Sarkozy a déclaré à de nombreuses reprises durant la campagne présidentielle qu’il souhaitait qu’on puisse déduire de son revenu imposable le salaire que l’on verse aux employés à domicile.

 

Il s’est notamment exclamé à la télévision : « je ne comprends pas pourquoi un ménage devrait payer l’impôt sur le revenu sur les salaires qu’il verse alors qu’une entreprise ne paie pas l’impôt sur les sociétés sur sa masse salariale ». Cet argument est totalement fallacieux, je vais y revenir plus loin.

 

Examinons d’abord les effets pervers de sa proposition car, contrairement à ce qu’on pourrait penser, elle est plutôt défavorable pour les contribuables concernés.

 

Tout d’abord, il faut noter qu’une réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile existe déjà.

 

Son montant est égal à 50 % des salaires versés dans la limite de 12 000 € (soit un avantage maximal de 6 000 €). Cette limite est majorée de 1 500 € par enfant à charge et par membre du foyer fiscal âgé de plus de 65 ans, sans toutefois pouvoir excéder 15 000 € (soit un avantage maximal de 7 500 €). Cette limite est portée à  20 000 € (soit un avantage maximal de 10 000 €) pour les contribuables invalides ou ayant à leur charge une personne invalide, et qui sont dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne.

 

Si Nicolas Sarkozy concrétise son engagement de campagne, cette réduction d’impôt va disparaître. En contrepartie, les contribuables employeurs de personnels à domicile pourront déduire de leurs revenus lesdits salaires.

 

Avec ce nouveau système, seront-ils gagnants ou perdants ?

 

Disons le tout net, ils seront pour la plupart perdants.

 

Une fois n’est pas coutume, Nicolas Sarkozy propose dans ce cas une véritable augmentation des impôts pour les contribuables employeurs de personnels à domicile.

 

Explication :

 

Pour comprendre pourquoi le système que propose Nicolas Sarkozy est défavorable aux contribuables, il faut bien faire la distinction entre une réduction d’impôt et la déduction du revenu.

 

Le montant en pourcentage d’une réduction d’impôt est le même pour tout le monde. En l’occurrence, la réduction pour l’emploi d’un salarié à domicile est de 50 %.

 

En revanche, le montant en pourcentage de l’économie d’impôt qui résulte d’une déduction du revenu dépend de la tranche marginale dans laquelle se situe le contribuable.

 

Par exemple, si vos revenus montent jusqu’à la tranche à 14 %, votre réduction d’impôt ne sera que de 14 %. Si vos revenus montent jusqu’à la tranche à 30 %, votre réduction d’impôt ne sera que de 30 %.

 

Bref, plus on a de revenus, plus la réduction d’impôt sera importante. Ceci est d’ailleurs conforme à la philosophie fiscale de Nicolas Sarkozy.

 

Mais ce qui n’est pas conforme à la philosophie fiscale de Nicolas Sarkozy, c’est que ce système aboutira à une augmentation des impôts pour quasiment tous les contribuables employeurs de personnels à domicile. En effet, la tranche marginale de l’impôt sur le revenu est à 40 %. Or, comme vous l’aurez noté, 40 % c’est nettement inférieur au montant de la réduction d’impôt qui existe déjà, à savoir 50 %.

 

En revanche, ce système sera favorable pour les gros employeurs de personnels à domicile, c’est-à-dire ceux qui dépassent les limites que je citais tout à l’heure. En effet, avec le système proposé par Nicolas Sarkozy, il n’y aura plus de plafonnement.

 

Par exemple, un contribuable avec deux enfants à charge peut avec le système actuel bénéficier d’une réduction d’impôt de 7.500 euros au maximum.

 

Avec la proposition de Nicolas Sarkozy, il devient gagnant s’il verse au moins 18.750 euros de salaires par an à ses employés et s’il est imposé au taux marginal de 40 %, (réduction de 40 % de 18.750 euros soit 7.500 euros). Si ce même contribuable verse 25.000 euros de salaires, sa réduction d’impôt sera de 10.000 euros (25.000 x 40 %).

 

En clair, la proposition de Nicolas Sarkozy favorise les contribuables employeurs de beaucoup de personnels à domicile et ayant de forts revenus. En revanche, il pénalise les contribuables aux faibles revenus et employant peu ou occasionnellement du personnel à domicile.

 

Il faut donc espérer que la réduction d’impôt existante ne disparaîtra pas. On peut en effet parfaitement imaginer que le système proposé par Nicolas Sarkozy coexiste avec le système existant : le contribuable n’aura alors qu’à exercer l’option qui lui est la plus favorable.

 

Pour conclure, je me dois de vous expliquer pourquoi le raisonnement de Nicolas Sarkozy est fallacieux lorsqu’il déclare : « je ne comprends pas pourquoi un ménage devrait payer l’impôt sur le revenu sur les salaires qu’il verse alors qu’une entreprise ne paie pas l’impôt sur les sociétés sur sa masse salariale ».

 

Ce raisonnement est fallacieux car l’impôt des personnes physiques est un impôt sur les revenus perçus et non pas un impôt sur un bénéfice. Le principe est donc qu’aucune charge n’est déductible des revenus (votre loyer, vos factures EDF, etc). Par exception, si le législateur le permet, les charges sont déductibles (pension alimentaire, perp, etc).

 

Pour les entreprises, c’est exactement l’inverse. En principe, toutes les charges sont déductibles (son loyer, ses factures EDF, etc). Par exception, les charges ne sont pas déductibles (charges somptuaires, les gros jetons de présence, etc). 

 

En effet les entreprises contrairement aux personnes physiques ne sont pas imposées sur leurs recettes mais sur la différence entre leurs produits et leurs charges, c’est-à-dire leur bénéfice.

 

Nicolas Sarkozy ne peut ignorer ce principe de base de la fiscalité. Si on suit le raisonnement qu’il tient, alors on devrait pouvoir déduire de son revenu toutes ses factures, et même, pourquoi pas le coût de ses vacances.

 

On peut donc apprécier encore une fois le talent avec lequel Nicolas Sarkozy arrive à vendre une mesure favorable à très peu de monde et défavorable à beaucoup d’autres, à l’aide d’un argument totalement fallacieux, tout en arrivant à faire croire que c’est juste et qu’il faut absolument rétablir l’égalité entre les ménages et les entreprises.

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